Après la viande de cheval dans les lasagnes (2013), la présence de contaminants d’origine fécale dans les tartes Ikea (2013), l’intoxication mortelle due à une souche hyper toxique de la bactérie E-coli (2011), l’Europe est à nouveau touchée par un scandale alimentaire de grande ampleur. Décryptage.
Le contaminant en question
L’été 2017 est en effet marqué par la contamination des œufs au Fipronil, un puissant insecticide ordinairement utilisé sur nos animaux de compagnie pour éliminer les tiques et les poux (via un conditionnement classique en pipettes et colliers notamment commercialisé sous la marque Frontline). L’emploi du Fipronil est en principe totalement interdit sur les animaux destinés à la consommation humaine, pourtant il a bien été utilisé par certains pays dans les élevages de poules pondeuses et ce depuis 2016. Le foyer principal aurait été identifié en Belgique et aux Pays Bas, mais au vu des échanges commerciaux, la contamination s’est rapidement propagée et touche actuellement près de 20 pays dont la France, la Suisse ou encore Hong Kong…
Certes, en France, nous importons peu d’œufs (environ 8%) mais quand on sait qu’en moyenne nous consommons près de 216 œufs/an dont 40% serait sous forme d’ovoproduits, il y a de fortes chances que nous ayons consommé sans le savoir des produits contenants des œufs contaminés par le Fipronil.
Bien que les autorités tentent de minimiser le scandale en nous notifiant par voie de presse qu’il y a peu de risque sur la santé, il n’en demeure pas moins que ce produit est interdit sur les animaux destinés à la consommation et que cette interdiction ne relève donc pas d’une quelconque fumisterie mais bien d’un danger réel pour l’Homme.
D’après les données communiquées, il faudrait manger l’équivalent de 7 à 15 œufs par jour pour que le risque soit réel, or, cette consommation n’est pas impossible dans la mesure où nous avons tendance à consommer de nombreux produits transformés et que l’effet cocktail est tout à fait possible puisque les biscuits, les glaces, les sauces, les pâtes, les plats préparés… font partie intégrante de nos habitudes alimentaires.
Une propagation internationale
Le foyer principal aurait sans doute pu être résorbé à sa source si les pays européens s’accordaient sur la sécurité des produits et des consommateurs ; or aujourd’hui, la coordination sanitaire n’est pas assurée entre les pays de l’UE comme on a pu s’en rendre compte à de nombreuses reprises notamment lors des derniers scandales alimentaires.
Economiquement, l’alimentation est un secteur marchand comme les autres, à ce titre, toute entreprise est engagée dans une course à la rentabilité et celle-ci est possible en baissant les coûts de production c’est-à-dire en achetant ou en faisant fabriquer moins cher. Or, dans les deux cas, il n’est pas rare que l’importation soit la solution, puisque produire à moindre coût signifie souvent produire/acheter ailleurs. Dans le cadre des œufs contaminés, ceux-ci n’ont pas été achetés et vendus comme tels sur nos étals français mais les œufs ont été achetés sous forme transformée (poudre, liquide…) pour rentrer dans la composition des ovoproduits tels que les quiches, les plats préparés ou encore les glaces. En effet, les filières industrielle et pâtissière ont souvent tendance à utiliser les œufs sous forme déjà conditionnée afin de réduire les risques de contamination par des germes extérieurs et de gagner du temps dans la confection de leurs produits.
Le problème qui se pose pour le consommateur c’est que l’origine de la plupart des ingrédients rentrant dans la recette d’un produit transformé n’est pas systématiquement indiquée. Ce manque d’informations et les risques associés ont déjà été pointés du doigt par les associations de défense de consommateurs, mais aucune réglementation n’existe réellement pour enrayer ce phénomène d’opacité contractuelle.
Ainsi, tout consommateur se trouve dans l’ignorance la plus totale quand il décide d’acheter des produits transformés. La traçabilité en est exempt et l’information partiellement ou totalement absente.
Un scandale de trop…trop vite enterré ?
Bon nombre de consommateurs sont effrayés par la recrudescence de ces scandales sanitaires qui mettent au jour la complexité et l’opacité des circuits d’approvisionnement et de transformation mais aussi les conditions d’élevages et de productions des produits d’origine animale. A cet effet, une majorité d’entre nous se tournent vers les circuits courts et la logique locavore, offres répondant davantage aux attentes des consommateurs en termes d’éthique, d’environnement et de sécurité alimentaire. Car une fois de plus, ce scandale du Fipronil nous fait réfléchir sur nos habitudes alimentaires et les conséquences de l’hyper industrialisation de nos produits transformés.
Ainsi, la plupart des produits concernés par la contamination au Fipronil en France sont majoritairement de marque discount et sont progressivement retirés des rayons. Vous pouvez consulter la liste des produits concernés sur le site du Ministère de l’Agriculture http://agriculture.gouv.fr/fipronil-liste-des-produits-retires-de-la-vente-en-france.
L’UFC QUE CHOISIR milite depuis de nombreuses années pour que les consommateurs puissent être mieux informés sur les ingrédients et l’origine de ceux-ci dans les produits alimentaires et non alimentaires. Pour autant, rien de concret n’est mis en place par les Etats Membres pour obliger les fabricants à mentionner l’origine de leurs ingrédients, c’est ce qu’avaient mis en exergue deux célèbres chefs cuisiniers français en 2015 dans l’émission « Les chefs contre-attaquent ». En effet, lors de cette émission, Yves Camdeborde et Ghislaine Arabian avaient tenté d’appeler les fabricants de plusieurs produits afin de connaître par exemple l’origine des cornichons ou de la farine de blé de célèbres gâteaux ; sans succès dans la majorité des cas, les marques se cachaient derrière un « secret de fabrication faisant partie de la recette ». Les consommateurs peuvent donc être trompés en toute légitimité et n’ont aucun moyen d’obtenir ce type d’information.
Le consommateur est ainsi libre de consommer sans pour autant savoir ce qu’il consomme.
L.Bourgiteau
Pour aller plus loin…
http://agriculture.gouv.fr/origine-des-produits-quelle-information-du-consommateur