Alim confiance : l’émoticône qui laisse de marbre
Le nouveau dispositif « Alim confiance » a été mis en place par le Ministère de l’Agriculture le 3 avril dernier. Celui-ci a pour mission principale d’informer les consommateurs sur les résultats des contrôles sanitaires corroborés par la DGCCRF.
Les contrôles sanitaires en question
Chaque année, environ 55000 établissements sont contrôlés par la DGCCRF pour vérifier que les règles en matière d’hygiène notamment sont respectées et que les aliments comme les pratiques sont conformes au cahier des charges de la sécurité alimentaire. Les restaurants ne sont pas les seuls à être ciblés ; les abattoirs, les sites de transformations, les cantines, les rayons frais des hypermarchés de même que les commerces de quartiers sont concernés.
En 2016, par exemple, ces contrôles représentaient :
Lors d’un contrôle sanitaire, plusieurs éléments sont vérifiés et demandés au gérant de l’établissement comme les fiches d’intervention de professionnels de la dératisation, les précédents rapports d’analyses microbiologiques, la liste des fournisseurs, la fiche technique des produits d’entretien… Les inspecteurs contrôlent aussi l’état des cuisines (les équipements, le matériel, la propreté des lieux), la bonne conservation des denrées alimentaires brutes et cuisinées (stockage, chambre froide, cuisson, température), la qualité de l’eau, la mise en place de la méthode HACCP… Bref, rien n’est laissé au hasard, tout est mesuré, vérifié, contrôlé dans le but d’assurer aux consommateurs une sécurité alimentaire totale.
Concernant les points de contrôles, vous pouvez les consulter sur ce site : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F32189
« Alim’confiance »
Pour le Ministère de l’Agriculture, l’application et le site internet dédié à « Alim’ confiance » ( http://alim-confiance.gouv.fr/) ont pour objectif d’ « améliorer la confiance du consommateur ». Cette volonté de transparence était réclamée depuis de nombreuses années par les associations de défense des consommateurs suite notamment aux différents scandales alimentaires ayant mis à mal le secteur du commerce de bouche depuis plusieurs années.
L’application en elle-même est assez simple à comprendre et à utiliser ; il s’agit ni plus ni moins d’une vulgarisation des résultats des contrôles sanitaires opérés depuis mars 2017 sur notre territoire. Il y a 4 notations : « Très satisfaisant »/ « Satisfaisant »/ « A améliorer »/ « A corriger de manière urgente », symbolisées par des smileys ; cela permettant ainsi d’afficher le niveau global de propreté d’un établissement contrôlé.
Seule la dernière notation induit un risque pour la santé nous dit-on.
Aujourd’hui, environ 2000 établissements de tous secteurs sont référencés, la liste devrait être mise à jour périodiquement afin de garantir aux citoyens une consultation globale et donc une comparaison entre les différents établissements, laissant ainsi le soin dans un futur proche de choisir en fonction de l’état de propreté général du commerce et non plus par rapport à une habitude ou un critère de localisation. Cette application permettra peut-être alors de consommer plus objectivement, du moins en fonction du degré d’implication du professionnel pour la salubrité de son commerce eu égard à sa clientèle.
Alim confiance ne permet malheureusement pas de savoir dans le cas d’un avis défaillant pour quelles raisons l’établissement a été mal noté ; ce qui laisse le consommateur un peu sur sa faim, puisque celui-ci ne sait pas si ce sont les aliments, le personnel ou le matériel qui sont incriminés. La note à elle-seule n’est donc pas suffisante pour garantir une information complète et transparente.
Les établissements peuvent être recherchés par nom, par adresse, par catégorie sur la France entière. La date du contrôle est alors notifiée ainsi que le smiley correspondant au commerce. Il est aussi précisé que le présent résultat est valable pendant 1 an. Cela voudrait-il dire que l’établissement recensé va être à nouveau contrôlé dans un an ? Rien n’est moins sûr… Comme le relatait notre confrère de Que Choisir, Fabienne Maleysson, en février 2014, « Les contrôles du ministère de l’Agriculture en matière de sécurité sanitaire des aliments sont trop peu fréquents et les contrevenants ne risquent pas grand-chose ».
Pour le principal syndicat des professionnels du secteur de la restauration, l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie(UMIH), « Nous demandions simplement 2 niveaux de notes : soit le restaurant est conforme, soit il ne l’est pas et il est fermé. Ils vont publier les smileys sur les fiches de restaurants et nous serons marqués au fer rouge de façon indélébile ». Cette crainte pourrait en effet être vérifiée si les fiches ne sont pas actualisées une fois la mise en conformité opérée par le professionnel.
L’appli qui informe à moitié
Cette notation enfantine a pour but de valoriser un établissement qui travaille bien et déprécier celui qui se raille de l’hygiène et de la santé des consommateurs. L’idée étant que cette mise en concurrence via ce système de smileys pourrait à terme permettre d’améliorer le niveau global d’hygiène des commerces de bouches en France, comme ça a été le cas dans certains pays d’Europe (Le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Lituanie, la Norvège, les Pays Bas) qui rendent déjà publics les résultats des contrôles sanitaires.
Cette démarche est très controversée car si elle permet de donner une photo à l’instant T de l’état des lieux d’un établissement, elle ne renseigne pas précisément le consommateur sur les points essentiels du contrôle sanitaire. De même pour la note ¾ « à améliorer », le client aimerait surement savoir qu’est-ce qui est montré du doigt dans ce rapport et si cela concerne directement la nourriture par exemple.
Les professionnels des différents secteurs s’inquiètent aussi de savoir quand les prochains contrôles auront lieu afin de pouvoir corriger leur note et ainsi effacer l’ancienne sur le site « Alim confiance ».
Ainsi, concrètement, l’application « Alim confiance » est assez décevante car pas assez poussée, laissant les consommateurs à l’écart des informations essentielles même si l’on comprend parfaitement que cela permet aussi de protéger les professionnels en ne divulguant pas les « coulisses » des contrôles qui pourraient à terme ternir leur image et leur réputation. Il s’agit ici de protéger le commerce à l’heure où ceux-ci sont durement touchés par la crise et par le manque de clientèle.
Cette application pourra éventuellement satisfaire votre curiosité sur les lieux que vous avez l’habitude de fréquenter ou vous pousser à aller (ou pas) en essayer de nouveaux.
Pour le professionnel comme pour le consommateur, l’application risque de faire du tord simplement par le fait du manque d’informations concrètes. Nous aurions quant à nous grandement souhaité que l’appli donne des caractéristiques sur les points négatifs constatés, les sanctions administratives encourues, les délais de mise en conformité et les améliorations apportées ou non par le professionnel en vu de la requalification de sa note.
Car sans ces informations, la relation de confiance entre un client et un professionnel se saurait être mise au jour.
L.Bourgiteau
Pour aller plus loin…
« Une application pour connaître le niveau d’hygiène des restaurants », 04/04/2017, www.ouest-france.fr,
« Alim’confiance ; l’appli pour consulter les contrôles sanitaires des restaurants », Anaïs Cheril, 04/04/2017, www.latribune.fr
http://alim-confiance.gouv.fr/