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La privatisation des semences: un danger pour l’Humanité

 

Dossier: La remise en question de notre indépendance alimentaire 

Le rachat de Monsanto par Bayer était pressenti depuis plusieurs mois déjà mais les négociations se sont accélérées lors du dernier trimestre 2016 et l’affaire a finalement été conclue en septembre 2016 pour un montant avoisinant 59 milliards d’euros. « L’alchimie monstrueuse » dont parlait le journal Libération le 23/05/2016 a bel et bien vu le jour mais cette information est passée assez inaperçue dans les médias malgré les conséquences que cela pourrait avoir sur les consommateurs et sur le vivant dans sa globalité.

 

Petit rappel

Aujourd’hui, six grands groupes de l’agroalimentaire (qui se rachètent les uns les autres) possèdent 60% des semences mondiales. Quoi de mal me direz vous ? Ces grands semenciers en plus de détenir le monopole alimentaire contrôlent l’agriculture dans son ensemble car ce sont eux qui vendent aux agriculteurs et autres exploitants les graines qui seront semées ça et là sur la planète.

Ces semences- pour la plupart OGM- sont des hydrides et ont été conçues pour résister aux aléas climatiques et aux attaques éventuelles de certains prédateurs. Or, pour pouvoir pousser, ces graines doivent être semées avec des engrais spécifiques et être traitées périodiquement par des pesticides et autres produits phytosanitaires répondant à la propriété de la graine hybride.

Les agriculteurs n’ont plus qu’à suivre la recette…

Ces mêmes entreprises produisent et commercialisent 75% des produits phytosanitaires.

Cet amalgame est dangereux à différents égards dans la mesure où l’agriculture industrielle est normalisée par ces grands groupes qui créent et vendent leur kit complet du parfait petit chimiste à ceux qui sont censés nous nourrir. Aujourd’hui, l’alimentation n’a plus grand-chose de naturel et c’est bien la chimie qui est entrée dans nos assiettes ! Et cela ne fait que commencer…

 

Une étrange alliance

Pourquoi les grands groupes de la pétrochimie se sont-ils entichés du secteur agroalimentaire ?

Contrôler le secteur agricole, c’est avoir la main mise sur le vivant et pouvoir spéculer sur les matières premières afin de définir les prix à l’échelle planétaire ! En 20 ans, on estime que le prix des semences a été en partie multiplié par trois.

 

Un cercle vicieux qui fait froid dans le dos

Voici aujourd’hui les 6 grands groupes qui se partagent le monopole des semences dans le monde :

  • Bayer, Monsanto (Fusion 2016)
  • Syngenta, Chemchina (Fusion en cours)
  • Dow Chemical, Dupont (Fusion 2015)

Toutes ces firmes ont un point commun : elles œuvrent à la fois dans le secteur agricole, le secteur de la pétrochimie et celui de la pharmaceutique.  Et ce fabuleux mariage est une bombe à retardement…
Ce mélange des genres est plus que douteux et ne résulte en aucun cas d’une coïncidence, la pétrochimie a tout à gagner à investir l’agriculture et faire grandir le monstre de l’agrochimie. En effet, les semences produites et l’utilisation des poisons phytosanitaires qui vont de pair, nous rendent malades ; nous en tant qu’êtres humains ainsi que notre environnement (faune et flore). Certaines maladies telles que Parkinson, Alzheimer ou encore certaines leucémies et certains cancers…sont en lien direct avec ce que nous consommons, respirons… Et une fois malade, nous sommes soignés par ces mêmes groupes pharmaceutiques qui génèrent des milliards de bénéfices ! Un comble n’est-ce pas ?

En quelques mots, présentons la firme BAYER…

A l’origine, une entreprise de colorants créée en 1863 en Allemagne, puis, Bayer, c’est aussi et surtout :

→ Une branche pharmaceutique créée dès 1888

→ La création du premier insecticide de synthèse appelé « Antinonnin » en 1892

→ La création du club de football actuel, Le Bayer Leverkusen

→ Dès le XXème siècle, l’utilisation des polymères

→ La mise sur le marché de médicaments avec et sans ordonnance tels que Berocca, Bepanthen, Supradyn, quelques anti cancéreux…

→ La commercialisation de nombreux fongicides, insecticides etc. dont le fameux « Gaucho » responsable de la surmortalité des abeilles dans le monde.

→ La société IG Farben- fondée en 1925 en collaboration avec BASF et Agfa- qui a fourni le zyklon B utilisé dans les camps de la mort pendant la seconde guerre mondiale….

En quelques mots, présentons la firme MONSANTO…

A l’origine, une entreprise créée en 1901 qui fabriquait de la saccharine (un édulcorant), mais Monsanto c’est aussi et surtout :

→ Dès les années 60, le développement des produits phytosanitaires et des engrais

→ A partir de 1982, la mise sur le marché des OGM

→ En 1996, le fameux soja OGM Roundup ready

→ Le rachat de Semnis inc. ; leader des semences potagères en 2005

→ L’agent orange, un puissant herbicide hautement toxique parachuté sur les cultures, les villages et les populations pendant la guerre du Vietnam notamment

→ Le développement des PCB (polychlorobiphényle),

→ Le Roundup…

Ce mélange des genres est plus que douteux et ne résulte en aucun cas d’une coïncidence, la pétrochimie a tout à gagner à investir l’agriculture et faire grandir le monstre de l’agrochimie. En effet, les semences produites et l’utilisation des poisons phytosanitaires qui vont de pair, nous rendent malades ; nous en tant qu’êtres humains ainsi que notre environnement (faune et flore). Certaines maladies telles que Parkinson, Alzheimer ou encore certaines leucémies et certains cancers…sont en lien direct avec ce que nous consommons, respirons… Et une fois malade, nous sommes soignés par ces mêmes groupes pharmaceutiques qui génèrent des milliards de bénéfices ! Un comble n’est-ce pas ? (Concernant la rentabilité de la maladie, je vous invite par ailleurs à aller consulter la campagne choc de 2016 de Médecins du monde passée sous silence du fait des tabous soulevés)

Et la boucle est bouclée avec en prime toujours plus de profits à la clé pour ces firmes qui nous empoisonnent et tentent de nous guérir à la fois.

 

Autres conséquences

D’après BAYER, l’une de leurs missions premières serait de relever le « défi de l’alimentation des 9 milliards de personnes en 2050 ».

Cette justification bien rodée n’est que le miroir aux alouettes car ce n’est pas la philanthropie qui anime ces multinationales mais bien l’intérêt du profit. De plus, si tel était réellement le cas, comment justifier le fait que les agriculteurs soient aujourd’hui contraints de commander leurs semences via un catalogue imposé de semences en ayant l’interdiction de commercialiser d’autres cultures sous peine d’être poursuivi (amende actuelle de 450 euros). L’objectif des agriculteurs n’est-il pas de cultiver la terre pour nourrir les populations et donc de participer à ce défi mondial dû à la croissance démographique ?

Il semblerait que les rôles aient été inversés et que les cultivateurs ne soient plus que des exécutants ayant perdu toute liberté d’action et uniquement cantonnés à appliquer les consignes livrées avec l’emballage. Cette perte de sens a fortement dévalué le travail de ces derniers qui ont perdu leur libre arbitre et la vocation de leur métier qui se voulait en accord avec la Nature et basé sur une science de l’expérience plutôt qu’une science de laboratoire. La crise agricole mondiale est en partie due à cette situation de dépendance dans laquelle semblent être enfermés les agriculteurs. De plus en plus ces derniers s’interrogent sur leur utilité, ils s’endettent auprès des banques pour pouvoir acheter chaque année de nouvelles semences auprès de ces firmes et revendent souvent à perte leur marchandise. La perte d’estime de soi est forte et le nombre de suicides dans cette catégorie socio professionnelle est de plus en plus important à travers le monde.

 

Le problème des semences est encore bien plus complexe qu’il n’y parait, et il est utile de rappeler que les graines proposées à la culture par ce catalogue officiel sont assez restrictives dans la mesure où elles sont toutes pour la plupart hybrides et/ou stériles. En effet, seules les variétés les plus résistantes et productives sont utilisées ; les consommateurs sont donc eux aussi lésés dans la mesure où ils n’ont plus le choix de manger des variétés locales, anciennes…

Ainsi, nous finissons tous par consommer les mêmes produits et cette standardisation ne fait qu’accroître les problèmes, puisque ce phénomène est responsable de :

  • La perte de la biodiversité,
  • L’appauvrissement des aliments que nous consommons qui sont peu nutritif ce qui explique les carences alimentaires dont nous souffrons[1],
  • L’appauvrissement des sols,
  • La perte du patrimoine culinaire et culturel etc.

Cette situation de dépendance est néfaste à tous les niveaux et surtout dangereuse quand on sait que ces firmes ont obtenu le droit de breveter le vivant…

 

Des résistances à travers le monde

De plus en plus de personnes se soulèvent contre ce système totalitaire et tentent de contourner la Loi en allant outre les interdictions existences. En Inde, où la situation des agriculteurs est catastrophique et où les taux de suicides sont très forts, Vandana Shiva, militante écologiste et féministe a créé une association « Navdanya » dans laquelle elle vient en aide aux agriculteurs en leur proposant de revenir à une agriculture paysanne. Pour cela, elle les forme en leur expliquant comment travailler avec la Nature sans utiliser de produits chimiques et leur donne gratuitement  des semences anciennes, locales et diversifiées ; en contre partie, elle leur demande de rapporter des semences replantées afin d’en faire bénéficier les autres adhérents et ainsi faire perdurer et sauvegarder ses graines. Comme elle l’explique : « Si nous ne commençons pas à défendre notre droit aux semences libres, nous courrons droit à une famine massive » ; « Les monocultures engendrent de nouvelles maladies. Elles sont en train de mener l’humanité entière vers une impasse »[2].

Des initiatives comme celles-là voient de plus en plus le jour à travers le monde mais aussi en France comme l’association Kokopelli qui œuvre pour la protection de la biodiversité alimentaire et qui vend des graines non issues du catalogue imposé par les grandes firmes semencières. Des grainothèques dont le principe repose sur l’échange entre particulier de semences libres, tendent à voir le jour un peu partout sur le territoire.

Mais cet élan écologique commence à irriter les industriels et une nouvelle législation pourrait prochainement voir le jour pour interdire la vente ou le troc entre particuliers de semences libres de droit. Il faut dire que les lobbies semenciers ont la main mise sur les Etats, ils font partie intégrante de la technocratie et gouvernent parmi les plus hautes sphères politiques. C’est ce que nous avons par ailleurs pu constater cette année avec l’exemple du glyphosate (principal actif du Roundup) qui devait être interdit à la commercialisation au vu de sa dangerosité et qui a finalement été « sauvé » en juin dernier par la Commission Européenne qui a pris l’initiative de prolonger de 18 mois sa commercialisation compte tenu de l’abstention de votes de la plupart des pays Européens pourtant officiellement partisans de l’éradication de ce produit[3].  La Commission Européenne se serait basée sur l’avis de l’EFSA, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments qui s’en remettait elle-même aux études fournies par Monsanto.

 

Et la liberté dans tout ça ?

Les populations sont devenues aujourd’hui des rats de laboratoire à la merci des grandes firmes qui contrôlent de plus en plus des secteurs fondamentaux du vivant. Il faut s’en inquiéter.

A l’heure où les démocraties font la chasse aux dictatures, de nouvelles autocraties économiques voient le jour soutenues par ces mêmes politiques, ne laissant guerre le choix aux populations de pouvoir consommer librement une alimentation saine et sans risques pour la santé et l’environnement.

L’inquiétude est forte pour les consommateurs qui se sentent désarmés face à une problématique qu’ils ne maîtrisent pas et dont ils sont pourtant les premières victimes.

 

L.Bourgiteau

 

[1] Voir l’article intitulé « 1 pomme en 1950 équivaut à 100 pommes d’aujourd’hui » proposé par Amélie Mougey sur le site www.rue89.nouvelobs.com relatant l’étude « Still no free Lunch » de Brian Halweil.

[2] Entretien mené par Jean Amoris, en 2009 sur www.agora.fr

[3] Voir l’article d’Elisabeth Chesnais, « Roundup. Le glyphosate sauvé par Bruxelles » paru le 29/06/2016 sur le site www.quechoisir.org.

 

Pour aller plus loin

Bayer- Monsanto. L’ogre qui pourrait tout engloutir, L’Humanité, 14/10/2016

Bayer-Monsanto, l’alchimie monstrueuse, 23/05/2016

Le monde selon Monsanto, Marie Monique Robin, 2009

www.navdanya.org

La Guerre des graines, film de Stenka Quillet et Clément Montfort,  2014

Emission La Quotidienne, France 5, 09/12/2016