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La course à pied: nouveau sport business

                         

Depuis près de 10 ans, on constate une augmentation flagrante du nombre de runners en France, ce chiffre qui était anodin à la fin des années 90, a littéralement explosé pour atteindre les sommets que l’on connaît aujourd’hui, en effet, on estime qu’un quart de la population française pratiquerait ce sport de manière intensive ou plus décousue.

La pratique de la course à pied

Une étude menée récemment par l’agence Sportlab estimerait le nombre de coureurs en France à près de  16.5 millions en 2015 (coureurs occasionnels et réguliers confondus)- contre 6 millions en 2000- mais les chiffres varient d’une étude à l’autre…tant il est difficile de quantifier le nombre réel de coureurs dans la mesure où cette pratique peut se faire hors club et de manière totalement aléatoire dans la durée. Il y a donc un écart entre les statistiques officielles comme ceux de la FFA qui ne comptabilise que les licenciés, et les enquêtes ne prenant en compte que les déclarations auprès des consommateurs de loisirs sportifs.

 

Les valeurs émergentes

Ce sport qui initialement se voulait bon enfant subi depuis plusieurs années une métamorphose et les valeurs qui sont aujourd’hui mises en avant tendent à effacer en profondeur celles d’hier. Cette symbolique est d’ailleurs mise en exergue à travers le terme même de cette discipline qu’a été la course à pied : d’après un comparatif, la fréquence des recherches pour les termes « jogging », « course à pied » et « running »,  dans Google était équivalente en 2005, mais cette dernière dénomination a pris le dessus sur les deux autres à partir de 2011 pour devenir 2 à 3 fois plus recherché en 2016. Cette différenciation langagière de premier abord se veut aussi et surtout réelle dans la pratique puisque dans les consciences cet écart représente ni plus ni moins la mutation qui est en train de s’opérer dans ce sport, à savoir que le running est davantage assimilé à un style de vie, à une vraie discipline contrairement au jogging ou à la course à pied relayés à un loisir pour le simple coureur du dimanche. Or, si les valeurs intrinsèques à ce sport sont en mutation, il en est de même de la scission qui s’opère entre ceux qui sont à la mode et ceux qui ne le sont pas concernant les équipements, les vêtements et le matériel toujours plus technique et connecté. Ce questionnement n’est pas anodin et un article daté du 24/03/2016 paru sur le site www.globe-runners.fr pose le problème comme suit : « la course à pied, à l’origine sport du pauvre par excellence, s’embourgeoise depuis quelques années. Au point de devenir inaccessible à terme pour certains d’entre nous ? ».

 

Le prix de l’effort, ça vaut combien ?

Il est vrai que depuis environ 10 ans, les ventes d’articles  de sports  sont en recrudescence (25% en 5 ans d’après le site Filièresport.com), et s’il est difficile d’obtenir des chiffres officiels de la part d’organismes indépendants, il n’en demeure pas moins que les coureurs observent une hausse constante des tarifs liés à leur sport. Alors que la paire de baskets de gamme moyenne à supérieure coûtait il y a environ 8 ans entre 70 et 80€, elle dépasse aujourd’hui les 110 euros.  Quant au haut de gamme, les tarifs frisent les 200€ dans les enseignes dites traditionnelles et multisports. Bien sûr, les marques d’enseignes nationales comme GoSport, Décathlon ou encore Intersport essaient de maintenir des prix plus abordables en proposant des articles de première gamme entre 50 et 70€, mais ces prix suivent aussi le mouvement à la hausse. De plus, pour la plupart des coureurs, la hausse des prix ces dernières années n’a pas été synonyme de hausse de qualité, bien au contraire…

Cette envolée des prix n’a pas touché que les baskets de running, mais tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’équipement du sportif : vêtements, chaussettes, accessoires divers…

Le rayon running qui hier allait à l’essentiel est à présent de plus en plus fourni (des centaines de références de baskets et d’habillements notamment mais aussi de nombreux gadgets pas toujours essentiels) dans les magasins multisports. C’est un business juteux, qui rapporte beaucoup aux industriels à en croire les chiffres publiés par le Libre Service Actualités. Par exemple, le LSA estime à plus de 5% la croissance annuelle concernant les ventes de produits running, et note qu’ « Asics, leader sur le segment des chaussures de running observe une progression du nombre de paires vendues, à deux chiffres ».

Les produits running deviennent aussi de plus en plus « marketés » et se doivent d’être identifiables à travers certains codes (couleurs fluo, matériels connectés, tissus brevetés, nouvelles technologies…) afin de permettre à leurs utilisateurs de se revendiquer de la communauté running. On peut ainsi observer que les valeurs et la philosophie de cette discipline sont aujourd’hui l’apanage des PCS+ (professions et catégories socioprofessionnelles supérieures).

Mais, les articles de sport ne sont pas les seuls à voir leurs prix flamber…c’est aussi le cas des inscriptions pour les courses à pied toutes distances confondues. Le marathon de Paris par exemple a augmenté de 5€ en un an passant de 75€ en 2015 à 80€ en 2016, sans qu’une telle inflation soit justifiée d’une année sur l’autre. Et ce constat est le même pour les petites courses et ce même loin de la capitale.

Les professionnels du secteur ayant compris qu’ils pouvaient s’immiscer dans la brèche en rendant ce sport toujours plus « hype », n’hésitent pas à placer le curseur toujours plus haut- ou devrait-on dire plus cher- car ils savent que cette discipline est à son apogée et suscite l’engouement de toute part du fait de sa bonne réputation en terme d’accomplissement de soi et de bien-être en général. Ils surfent simplement sur la mode….Comme c’est le cas pour les sociétés privées telle qu’ ASO (qui organise entre autres les Marathons de Paris, de Marseille, et du Mont Saint Michel…) qui s’empressent de racheter certaines courses afin de profiter de la manne financière. Ces grands groupes savent en effet, que ces événements sont rentables : ils attireront toujours du monde même si le montant de l’inscription frise parfois l’indécence pour une simple course.

Comme on peut le voir, le running est une discipline en pleine expansion qui, victime de sa popularité tend à se conformer à certains idéaux purement capitalistes, remettant ainsi en cause les valeurs premières de ce sport à savoir le partage, l’entraide et le dépassement de soi.

En tant que consommateurs, on peut se demander jusqu’où ira ce business et si les prix  pourront un jour être régulés pour redevenir supportables pour la plupart d’entre nous.

 

L. Bourgiteau

 

 

 

Pour aller plus loin :

www.globe-runners.fr « Le running devient-il un hobby de luxe ? » 24/03/2016 ; « Vous êtes 16.5 millions de runners en France »

www.m.rfi.fr «  La course à pied, un business florissant », 30/03/2016

www.m.huffingtonpost.fr «  Comment le running a remplacé le bon vieux jogging », 04/10/2016

www.entreprendre.fr « Running : pourquoi un tel engouement pour la course à pied ? », 07/03/2016

www.leprogres.fr « Le business emboîte le pas des coureurs à pied », 13/03/2012

www.pa-sport.fr « Running : le bilan du sommet de la course à pied 2016 »

www.lsa-conso.fr

www.blog.fitmyrun.fr

www.runnersworld.fr